Originellement nommé Cruise Control et devenu Cruise [Ctrl] sur le tard, ce projet belge associant brillances electronica et beat EBM assis (mais sans adoption de l’extrême), accouche de son
premier format album après deux démos plutôt remarquées ("No Hay Banda" en 2005, "Garmonbozia !" en 2006. Jouant bien davantage sur l’effet d’hypnose que sur le déploiement de forces, Cruise [Ctrl]
poursuit l’amorce, avec "I Heard It !", d’une musique électronique sinueuse, rythmiquement épurée. Son bpm, au pouvoir d’envoûtement certain, s’est attiré les faveurs de remixeurs talentueux. Ces
derniers ébauchent une aventure parallèle à la création propre au groupe à la fin de parcours de cet album inaugural, pour vingt-cinq minutes de versions retravaillées. Elles ouvrent un peu plus la
perspective, notamment via l’approche rythmique angulaire de C-Drik ("Eat my Fear (C-Drik mix)") et le bruitisme du son indus concocté par Sulphuric Saliva : son "Eat my Fear (Sulphuric Saliva
mix)", figurera parmi les titres les plus physiques de l’ensemble, impression que renforcent ces saturations, caractéristiques des travaux originaux du remixeur. Roswell Conspiracy, quant à lui,
préfère aux crissements noise une approche fluidifiée, spatiale, dans un prolongement sans doute plus naturel de ce que Cruise [Ctrl] génère en nom propre. Avant que ces remixes ne fassent surface,
le temps a été donné au duo belge d’imposer sa propre dynamique. "I Heard It !" est un disque habité, de forme exclusivement electro. Ses ambiances taillent dans un marbre à la fois ténébreux et
clubby ("Memory of a Head"). Assez peu sophistiqué mais toujours empreint d’un ingénieux minimalisme et nourri d’une obsession pour les sons analogiques, Cruise [Ctrl] développe un propos
hypnotique, froid et tendant vers le dansant ("Crow’s Nest") ; d’autant plus saisissant qu’il parvient à capter l’auditoire à partir d’éléments rudimentaires, mais ordonnés avec soin et goût. Un
beat aquatique ("Eat my Fear" coule, et emporte avec lui de discrets grésillements numériques) et une optique instrumentale quasi-exclusive (participation remarquée, cependant, du pionnier Jean-Luc
de Meyer sur "Man on the Planet") peignent un tableau proche du monochrome ; mais la palette source garde en réserve une carte expérimentale. Cette dernière laisse des libertés à Cruise [Ctrl], de
divers ordres : hors d’un beat clubby, elles ressortiront de la création climatique pure (le sourd "Smoke and nude I", croisé sur "Garmonbozia !" et dont le fond dark ambient souligne avec
cinématographie un murmure rythmique souterrain et menaçant), et bien sûr de l’affranchissement des règles de composition propres à la chanson traditionnelle. Une histoire de design sonore en
quelque sorte, pour au final un espace sonore réflexif.
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