• Le très bon maxi "Phase 3" a parfaitement rempli sa mission. Il a annoncé avec on ne peut plus d'exactitude le contenu et la nature du tout dernier album de l'irréprochable trio japonais Tha Blue Herb. L'essentiel de "Life Story" révèle en effet les mêmes compositions électroniques longues et hypnotiques que les deux titres du maxi, les mêmes scratches rares et discrets, le même quasi-spoken word, les mêmes thèmes rap traditionnels (ego-trip et affirmation de soi, éloge du clan et de l'amitié, défense du hip hop original), mais en version hallucinée, avec des airs d'écriture automatique. La formule se révèle certes moins tubesque que sur "Phase 3" ici, moins immédiate. Mais elle est toute aussi convaincante. Sur "Life Story", l'autre amour musical du rappeur Ill-Bosstino, celui qu'il entretient avec la deep house au sein de Tha Herbest Moon, est plus visible que jamais. Les longues compositions (de 4 à 8 minutes) sur lesquelles il s'exprime ont le flegme, les basses rondes et imperturbables, les motifs répétitifs et le groove triste de son autre genre de prédilection. Sauf qu'ici, c'est O.N.O. qui signe les beats, épaulé par les interventions éparses de DJ Dye. Et que, comme d'autres compères japonais, le producteur est toujours l'un des plus talentueux orfèvres qui soient et qu'il se montre capable de nous offrir ces nouvelles merveilles que sont ces "Supa Stupid" et "Tenderly" à la beauté mélancolique, ou bien encore ce "Motivation" enlevé, le dernier titre de l'album, le plus soutenu aussi, le plus efficace. Tha Blue Herb est un groupe majeur, l'un des rares, surtout dans le hip hop, capable de sortir à plusieurs reprises de longs disques impeccables. Le trio japonais prouve une fois pour toutes sa supériorité avec cet album qui réalise l'exploit d'être original et singulier tout en respectant l'essentiel du cahier des charges rap, jusqu'à se fendre de chœurs r'n'b sur "Such a Good Feeling". Le secret de sa réussite, le groupe l'expose en faisant part de sa vision du rap sur "The Suburbs of Hip Hop", quand, parmi des aphorismes façon "le rap est pour ceux qui savent faire face à la tristesse", il rappelle qu'il est tout autant profondément japonais que profondément hip hop. Qu'il est profondément personnel, et donc immanquablement bon.
    Sylvain Bertot
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    Après 3 albums et de nombreuses collaborations, entre autre avec 4 Hero, Ursula Rucker, l'artiste de Philadelphie, revient avec de nouvelles techniques, sur Ruckus Soundsysdom, qui ont fait sa légende dans le monde du Spoken Word. Le dernier album d’Ursula Rucker, Ruckus Soundsysdom, est un savant mélange d’observations du monde, de la société américaine et de confessions personnelles. Ursula Rucker nous y raconte son histoire, ses contradictions. Elle, une poétesse qui ne slamme pas, une catholique qui jure, nous encourage à nous accepter tels que nous sommes, à accepter chaque trait de notre personnalité. Ursula Rucker Ursula Rucker Sur la chanson Read Between Lines, Ursula s’en prend aux labels qui condamnent ses contradictions, et se moque même de l’auto-tune ou des morceaux chopped and screwed omniprésent en ce moment. Mais son album Ruckus Soundsysdom n’est pas seulement une critique de la société, comme on peut l’entendre sur la chanson Ever Heard of It, Ursula Rucker nous parle de sa vérité, ou encore avec la chanson Thinkin ‘Bout U. Ursula Rucker Ursula Rucker Cet album est aussi d’une fluidité extrème entre les passages hip hop, R&B ou poétiques, au travers desquels Ursula Rucker créée son propre chemin, et on est pret à la suivre aveuglément…
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    Non contents de mélanger deux genres majeurs des musiques populaires avec leur jolie pop électronique, les gens de l'entourage Morr Music s'intéressent depuis un petit bout de temps à un troisième, le rap. Jusqu'ici, c'est plutôt vers le hip hop déjà franchement métissé d'Anticon que ces gens penchaient, si l'on cite Populous par exemple. Mais le Belge Arne Van Petegem, lui, est allé se trouver un ami du côté de Five Deez, ce duo de rap à peine intéressant, plutôt que chez Sole et sa bande, pour un résultat d'ailleurs assez probant. Naturellement, cette démarche crossover évoque le projet 13 & God. Mais les deux disques sont fondamentalement différents. Le premier cherchait à mixer les trois genres pour en inventer un autre. Sur le présent disque, en revanche, les influences ne se mélangent pas vraiment, elles ne s'interpénètrent pas. Il y avait le quatre-quarts, voici maintenant le trois-tiers. Sur "The Same Channel", chaque genre joue sa partition. Le rap est classique et franc, l'électronique est sautillante et la mélodie accrocheuse. Cependant, cela n'empêche pas une certaine alchimie, ici ou là. Quand Styrofoam fait preuve d'efficacité pop avec ses sons électroniques souvent rétro ("Scream It Out") et son chant effacé parfois passé au vocoder, les paroles de Fat Jon l'appuient avec bonheur. Elles ne sont là qu'en sus, en renfort, mais cela suffit à engendrer quelques réussites, comme l'entraînant "Acid Rain Robot Repair" en introduction ou comme le long, lancinant et mélancolique "The Middle". Sur la longueur, il est vrai, "The Same Channel" ne démentira pas ceux qui considèrent que les albums délicats sortis chez Morr sont peu marquants, qu'ils sont aussi inconséquents que jolis. Mais la joliesse, c'est déjà une qualité, et une qualité qui n'est pas partagée par tous, surtout en matière de crossover pop et rap.
    Sylvain Bertot
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  • C'est le premier album du groupe Tha Blue Herb composé de DJ O.N.O. et de Ill-Bosstino a.k.a. Boss the MC. Caractérisée par une ambiance sombre, parfois oppressante, parfois plus chaleureuse, je dirais que la cover représente assez bien le CD. Le MC a un flow très spéciale alors je doute que ça plaira a tout le monde mais qui en tout cas renforce encore l'atmosphère qui rend ce skeud vraiment unique.
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    Une alliance entre Circus et Andre Afram Asmar ? Franchement, d'autres s'effraieraient pour moins.

    Vous tremblez, vous imaginez déjà les raps interminables et même pas virtuoses du premier sur les bidouillages world du second, et vous avez raison. Car c'est exactement le programme proposé par les deux énergumènes sur cet album commun. Gawd Bless The Faceless Cowards est la fusion complète des albums les plus récents des deux instigateurs, le tout aussi excellent qu'épuisant Gangstahz fo Gawd et le problématique Race to the Bottom. Sur ce nouveau disque, Circus se livre à son numéro habituel, il déclame à n'en plus finir ses histoires d'extra-terrestres ras les pâquerettes, il extrapole sur Dieu, les Pyramides et l'origine de l'Homme, il joue à merveille son numéro de nigaud obèse américain obnubilé par les thèses conspirationnistes, tandis qu’Asmar ressort sa batterie de cuisine faite de sons bizarres, de percussions exotiques et d'échos dub. Et les deux, bien entendu, se retrouvent quand il est question d’étriper le méchant habituel, George Bush.

    Présenté comme ça, ça fait peur, hein ? Pourtant c'est bien. Allez savoir pourquoi. Les pitreries et les litanies de Circus ont quelque chose de fascinant et d’addictif. Et ça, les fans des Shapeshifters le savent déjà, même s’ils ont renoncé depuis longtemps à l’expliquer. Qui plus est, Asmar ne gâche pas la partie. D’abord il se fait oublier, puis peu à peu ses sons s’imposent, avec une force qu’on ne lui connaissait pas, jusqu’aux quatre titres finaux. Sur "Club Lights" Circus n'aime pas le papa de sa copine ; sur "Sir Romancealot" il se montre en amoureux transi ; sur "Smell of Ro$e$" il redevient politique ; "Redeemer" est une sorte de freestyle qui condense tout ce dont le Shapeshifter en chef est capable, avec des sorties genre "'motherfucker' seems to be the only word that motherfuckers understand these days". Et chaque fois, sans se départir de ses recettes habituelles, flûtes folles, synthés, ouds, gamelans ou instruments approchants, Asmar livre la composition de circonstance. Avant l’écoute, pendant l’écoute, ce disque fait peur. Mais il sait préserver le meilleur pour la fin. Il sourira aux persévérants.
    Sylvain
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