•  


    Accueillis il y a deux ans comme les sauveurs du rock, encensés par la critique, les White Stripes reviennent cette année pour tout écraser. Elephant est dans la même lignée que son prédécesseur, White Blood Cell ; Jack et Meg White n’ont pas renié le "dogme musical" qui caractérise leurs créations depuis leurs débuts : une instrumentation minimale (duo guitare/batterie et piano à l’occasion) pour un rock pur et brut qui refuse toute sophistication, tout maniérisme. Il ne faut pas attendre longtemps pour en apprécier toute la beauté. Le premier titre Seven Nation Army est une merveille : une ligne de basse tout simplement géniale, d’une constance et d’une retenue contrastant avec les riffs fougueux et déchaînés des parties instrumentales du morceau, le martèlement lourd d’une batterie endiablée et un chant subtil qui oscille entre innocence infantile ("I'm gonna fight them off / A seven nation army couldn't hold me back") et violence sanguinaire ("All the words are gonna bleed from me / And I will sing no more / And the stains coming from my blood tell me 'Go back home'"). Ce nouvel album des White Stripes est certainement le plus ondoyant des quatre ; alternent les moments impétueux où Jack et Meg ne ménagent pas leurs instruments (Black Math, Ball and Biscuit) et d’autres plus calmes, plus posés (You've Got Her in Your Pocket) laissant s'exprimer la sensibilité du duo de Detroit. Ainsi, à l’opposé du rock puissant de Seven Nation Army, se tient la balade folk In the Cold, Cold Night. Sur de délicates notes de guitare acoustique, la mignonnette voix un peu chancelante de Meg y fait naître un érotisme ostensible, à peine voilé : "When my skin turns into glue / You will know that it's warm inside / And you'll come run to me, in the cold, cold night". L'amour charnel mais surtout sentimental est le centre de Elephant. Hommes et femmes en sont dépendants ; ils le recherchent (Hypnotise) et en souffrent (I Just Don't Know What to Do With Myself). Elephant navigue entre hier et aujourd’hui, entre les années 1960/70 des furieux Stooges, originaires eux aussi de Detroit ou du suranné Burt Bacharach dont ils s’approprient admirablement I Just Don't Know What to Do With Myself, et le début du XXIème siècle. Guitare et batterie en clair-obscur, les White Stripes jouent un rock abrasif, aux mélodies âpres et d’une vitalité démentielle. Ceux qui vivent sans folie ne sont pas si sages qu’ils le croient.
    Chroniqué par Baptiste
    permalink

    Note :

    votre commentaire
  •  


    Quand on a proposé 1 milliard de dollars à ABBA pour se reformer, ceux-ci n’ont pas accepté (sales hippies de merde). Pas parce qu’ils avaient déjà trop d’argent mais par, j’imagine, intégrité musicale (sales idéalistes de merde). Et si ABBA n’est pas trop notre tasse de thé musicale sur Visual, on se dit que le nouveau cru estampillé Tom Morello ne peut qu’être le fruit d’une démarche quasi-similaire vis-à-vis de ses collègues de chez Rage Against The Machine. Car les lives okay, mais un nouvel album ? Houla, attention danger les mecs, trop gros risque de déception chez les jeunes trentenaires élévés au son mordant du quatuor dans les années 90. Alors Street Sweeper Social Club, simple os à ronger ou nouveau projet bien à part ? Et bien un peu des deux ! Si l’on apprécie le fait que Tom Morello ait laissé sa guitare acoustique de Supersocialo de côté pour nous asséner ses riffs branchés sur 110V (norme US oblige), celui-ci n’en a pas pour autant perdu de vue son discours social. Oui, encore et toujours, sauf que cette fois, il s’est dégotté un nouveau copain de jeu en la personne du rappeur et producteur Boots Riley. En cela on retrouvera de très nombreuses similitudes entre RATM et SSSC puisque la recette est la même, prenez une pincée… Non, une poignée de riffs dont ce cher Tom a le secret, prenez un rappeur pour assurer la fusion tant appréciée dans les annéres 90 et vous obtiendrez ce qui semble être un succédané de RATM. Oui mais voilà, la comparaison s’arrête là, si la section rythmique Cummerford/Wilk n’est décidément pas imitable, Morello à la basse, appuyé du batteur Stanton Moore n’ont pas à rougir pour autant ("Fight ! Smash ! Win !" avec sa ligne de basse aussi discrète qu’un Transformers dans un jardin anglais par exemple). Et si Zach de la Rocha est aux abonnés absents, Boots Riley assure d’une toute autre manière le boulot qui lui incombe. Moins agressif que Zach, Boots la joue plus cool mais surtout plus groovy ("Clap For The Killers"), ce qui n’enlève en rien au mérite du rappeur qui va lui, au contraire, proposer une palette vocale peut-être plus ouverte passant d’un flow basique ("Shock You Again") à un flow plus posé bien que tranché ("100 Little Curses", "The Oath") tout en restant convaincant dans sa manière d’interpeler l’auditeur. Car si Zach se veut plus hargneux, plus rageur (oserais-je dire), Boots se fait plus subtil, en révélant son aspect le plus surprenant avec le très bondissant (pour ne pas dire dansant) titre "Promenade", véritable surprise de ce skeud jusque là taillé façon RATM (les ponts de "Somewhere In The World It’s Midnight" ne trompant pas bien longtemps). Morello déclarant lui-même à propos de SSSC : « nous sommes là pour nourrir les pauvres, combattre le pouvoir et rocker à mort ». Tiens, ça me rappelle quelque chose… Ce qui constitue d'ailleurs la faiblesse du disque puisqu'on ne peut éviter l'impression de déjà entendu et une certaine redondance stylistique entre les morceaux eux-mêmes. N’en jetez plus, si pour certains, SSSC ne sera rien d’autre qu’un RATM light, une sorte d’os à ronger en attendant une improbable reformation du mythique quatuor communisto-capitaliste pour un album trop attendu (pour ne pas décevoir), pour les autres, ceux qui n’ont tout simplement pas envie de bouder leur plaisir, cet album est imparable. C’est plus groovy que du RATM, c’est plus électrique que The Nightwatchman et c’est sûrement ce qui se rapproche le plus de ce qui nous faisait bander dans les années 90 chez notre syndiqué de chauve préféré. Á vous de voir, me concernant, c’est tout vu ! Je prends en attendant la proposition à un milliard (que eux accepteront bien sûr après nous avoir vendus des casquettes à 40€ en tournée).
    permalink



    Note :

    votre commentaire
  •    



    "Confusion Is Sex" a longtemps été le disque de Sonic Youth que j’écoutais le moins. Trop aride, trop froid, trop hostile. Trop confus, trop peu pop. Et puis, récemment, tandis que le groupe commençait à ronronner sur ses albums officiels (souvent excellents mais plus vraiment novateurs et encore moins révolutionnaires), j’ai eu envie de me replonger dans ses racines, plus de 25 ans en arrière. Ce disque sera un choc pour ceux qui ne connaissent de Sonic Youth que ses morceaux rock acidulés, parsemés d’embûches mais au bout du compte assez normaux. Avant de dompter ses guitares, de maitriser la dissonance et le feedback, d’infecter la pop avec des idées d’avant-garde, d’empoisonner le rock avec le free-jazz et de se soucier d’écrire des mélodies qu’on fredonne, les trois new-yorkais (qui avaient alors bien du mal à trouver et conserver un batteur) ont, littéralement, expérimenté. Ils se sont livrés à des expériences, sans réellement savoir où elles les mèneraient. Influencés en partie par le hardcore fleurissant au début des années 80, en partie par la no-wave, écartelés entre le monde de l’art, les symphonies pour guitare électrique de Glenn Branca et la volonté de percer, de conquérir un public, ils ont abouti à ceci : "Confusion is Sex", un disque extraordinaire auquel on serait bien en peine d’associer une autre étiquette que : Sonic Youth. Ames sensibles attention : ce disque est brut, il est sale, il crisse, il grince, il mord, il ne se lave pas et ne dit ni bonjour, ni merci, il titube et chancèle , éructe et exulte, il met mal à l’aise, il déborde et explose. Confusion is next, évidemment. Dès ses premières notes (ou bruits, diront les mauvaises langues), "She’s in a Bad Mood" nous plonge dans une atmosphère oppressante dont on n’émergera pas avant la fin du disque. Les guitares tintent, carillonnent, résonnent, rugissent, grondent : elles sont littéralement inouïes, avec leurs accordages improbables, des tournevis ou des baguettes de batterie glissées sous les frettes, les mêmes outils servant également à frapper ou caresser les cordes. Indistinctes et apparemment brouillonnes, les chansons se révèlent au fil des écoutes : du chaos impénétrable naît finalement la beauté. Urgents, pleins de rage, spontanés, radicaux, les manifestes soniques s’enchainent, de "Shaking Hell" à "The World Looks Red" en passant par Inhuman, autant de morceaux qui sont aujourd’hui encore, plus ’propres’ et mieux maitrisés, des classiques des concerts de Sonic Youth. "Protect Me You", vénéneux, explore la veine atmosphérique et menaçante du groupe à base d’harmoniques et de chant lancinant. Confusion is Next déroule son non-sens ironique à deux vitesses tandis que "Making The Nature Scene" est déjà (avant son remix sur "The Whitey Album") presque dansant. Comment ne pas mentionner également la transition terrifiante entre "Freezer Burn", basé sur le son d’un frigo capturé dans l’épicerie proche du studio d’enregistrement, et une interprétation cataclysmique du classique stoogien "I Wanna be your dog". Dans la réedition en CD, un EP 4 titres est apposé à l’album original. Deux chansons extraordinaires le composent : le furieux Kill Your Idols, où Thurston Moore hurle à plein poumons sur deux guitares qui se répondent comme dans les plus grands classiques de Sonic Youth, et Brother James qui se révèle déjà une grande chanson et un autre exemple de riff typiquement youthien, même si cette version originale souffre un peu du manque d’assurance des guitares par rapport aux interprétations entendues au fil des années en concert. "Early American" est un peu ennuyeuse puis Shaking Hell en live remet avec furie les choses à leur place sans réussir à réconcilier les détracteurs de Kim Gordon avec son chant. L’album est brutal, brut, sauvage mais, connaissant le futur, on peut déjà y déceler, par bribes, les penchants mélodiques et plus raffinés du groupe. Thurston Moore lui-même considère ce disque comme peut-être le plus "pur" qu’ils ont enregistré, un testament fidèle de qui ils étaient à l’époque, et de tout le chemin qu’il leur restait à parcourir. Ils en étaient encore à inventer un langage, à découvrir son vocabulaire, à balbutier, à tenter de mettre tout cela en place, mais qu’y a-t-il de plus excitant qu’un enfant qui découvre la parole et qu’on devine brillant ? Chef d’œuvre de rock déconstruit, disque fondateur d’une légende, "Confusion is Sex" est, avec le recul, un des tous meilleurs disques de Sonic Youth.
    par Alexis Bidault
    permalink

    Note :

    votre commentaire
  •   

    Thao with The Get Down Stay Down - Swimming Pools

     

    Aujourd’hui sort le deuxième album de Thao Nguyen, désormais accompagnée d’un groupe, les Get Down Stay Down. On avait apprécié par ici, timidement, son premier opus, Like The Linen, composé dans la solitude, entre la fac de sociologie et la blanchisserie familiale, disque plein de fragilités et de promesses, encore un peu imprécis mais récoltant toutes les comparaisons flatteuses imaginables (Fiona Apple, pour commencer). J’eus même la surprise de découvrir un beau matin dans ces pages un mp3blog de Chryde à son sujet, moi qui pensais que Thao ne chantait que pour moi.

    Mais aujourd’hui Thao Nguyen, 23 ans, nous revient avec We Brave Bee Stings and All, signé (excusez du peu) chez Kill Rock Stars et parfaitement recommandable à tous vos amis. Portrait de la timide jeune femme en chanteuse assumée, leader d’un groupe, la mue est surtout flagrante pour ces chansons, qui portent les fruits de toutes les promesses. Onze titres impeccables, malins et rêveurs, inscrits dans une certaine tradition chanteuse-à-guitare mais trop intelligents pour ne pas s’en affranchir, avec une délicatesse admirable. Le tout en trente-deux minutes, satisfaction de toutes les espérances que l’on avait placées en elle et privilège rare de fan de la première heure.

    permalink

     

    DISCOGRAPHIE

     

     

     


    Note :

    1 commentaire
  •   

    Forts de deux albums déja très bons (Electronic jacuzzi puis Blow et, entre autres, sa superbe chanson éponyme), les Belges de Ghinzu, menés par le leader charismatique John Stargasm, récidivent avec ce nouvel opus aussi décalé et singulier que les deux précités. Ca débute avec un titre fort de la trempe de "Blow" : ce "Cold love" qui fera partie, à n'en pas douter, de la cohorte des titres marquants de cette année 2009. Percutante, frappée du sceau d'un rock toutes guitares dehors, savamment épaulées par des claviers aussi discrets qu'efficaces, et relevée par l'organe vocal majestueux du sieur Stargasm, cette chanson introduit de la meilleure des manières un album sans failles. On retrouve ici une partie de l'emphase de Muse, à la différence que Ghinzu garde en lui cette excentricité, cette versatilité et cette force de frappe qui font la différence en sa faveur. Et même quand il adoucit quelque peu son propos ("Take it easy", dont le seul défaut est d'être, d'un point de vue vocal, trop proche des Strokes, ou encore un "Mother allegra" spatial et dénudé), le quintet belge reste performant. J'avoue une préférence pour les morceaux puissants, assez nombreux sur cet album, à commencer par "Mirror miror", "This war is silent", "Kill the surfer", et... "Je t'attendrai", chanté en français, alerte et surprenant. J'admets en outre un faible pour les mid-tempos tels que "The dream maker" ou "The end of the world", ou encore l'aérien "Interstellar orgy". _ Mais ce qu'il faut retenir des oeuvres signées Ghinzu, c'est le côté imprévisible, cette capacité à passer des humeurs les plus belliqueuses à des parties plus posées, à associer avec bonheur des sonorités diverses et révélatrices d'une forme de schizophrénie dans la composition. Schizophrénie rimant ici avec génie, cet album en étant l'irréfutable preuve. En bref : Ghinzu transforme l'essai des deux premiers opus et parvient ici à asseoir une identité que l'on ne retrouve que chez les plus grand, comme Radiohead. Ce faisant, il impose un style qui génère quelque chose d'unique, et par là-même, un disque brillant qui ne peut que faire date.

    DISCOGRAPHIE


    connect review

    Note :
    Part1/2
    Part 2/2

    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique