• Adam Green - Sixes and Sevens

     



    Adam Green est une tête à claques. Doué comme pas un pour composer des titres primesautiers, délicieusement pop et bizarroïdes, il mène depuis l'éclatement des excellents et foutraques Moldy Peaches, une carrière solo qui n'est pas sans rappeler les errances joyeuses d'un Stephen Malkmus en permission de sortie (pour fermeture définitive) de ses Pavement. Il faut le voir sur scène pour avoir une idée juste du personnage : Adam Green n'a pas besoin de grand-chose pour poser une mélodie, quelques vers pervers et souvent à double sens, un ou deux accords et il vous tient un embryon de tube qui, assemblé à un autre embryon de tube, vous donne un embryon de chef d'œuvre, qui, par légèreté ou négligence, échappe à l'admiration qu'il mériterait certainement. Comme un Herman Düne qui aurait réussi, il semble toujours perdre en gagnant en sophistication et en travaillant, la proximité qu'il sait nouer avec son auditeur lorsqu'il joue au gré de ses inspirations.
     

    C'est un homme qui s'amuse d'un rien et cela se sent à plein nez sur ce Sixes and Sevens particulièrement badin, rétro et mainstream. Adam Green y joue, pendant vingt titres (20 titres oui), au crooner américain. Il s'amuse ainsi successivement au jeune Scott Walker (l'inaugural "Festival Song"), à Robert "Calypso" Mitchum (l'exotique "Tropical Island"), au bluesman archétypal du Mississipi (le fatigant "Cannot Get Sicker"), au spoken John Cooper Clarke sous amphét' ("That sounds like a Pony"), au cabot de cabaret (le crémeux "Morning After Midnight)" ou au Neil Hannon "cheap" ("Broadcast Beach"). Green s'est payé une production luxueuse avec des chœurs, un piano, des cordes qui donnent un caractère étrangement suranné à sa musique (des années 2060 tout de même) dont la modernité n'apparaît finalement que dans des textes soignés et comme toujours satiriques et à tiroir. Du coup, Sixes and Sevens, bien que constitué en grande majorité d'excellentes chansons, percutantes et plutôt resserrées (on est souvent à la limite des deux minutes), a un côté agaçant et anachronique qui le tire vers l'anodin et l'horripilant. Cette impression (pourquoi écouter ce genre de musique aujourd'hui ?) ne doit pas masquer la beauté de certains titres plus épurés où Green, dans son plus bel appareil (guitare, voix), fait ce qu'il fait le mieux. "It's A fine" est un modèle du genre "love you're turning all my pages. Love you're wearing my robes. Whose the monkey in my bed ?" chante-t-il quelque part entre Nick Drake Flowers Pop et Elvis Duteil. "Homelife" est tout aussi drôle et intéressant. "Homelife is so enerving...I wish i was dead when i came to...she takes me home...I walk alone...I wish I was dead..." "Be My Man" ressemble à du Neil Young parodique et en appelle à Tom et Jerry au xylophone. "Grandma Shirley and Papa" dépasse les bornes du revival avant que Green ne rejoue plutôt bien à Nat King Cole, modèle en creux de l'exercice, sur le classieux "Bed of Prayer", ou l'impeccable "Rich Kids" ("I used to be friends with rich kids. But all that they talked about was me. Cause i was searching for a date on the corner like a fog horn shouting in the breeze.")

     

    Sixes and Sevens laisse au final une impression mitigée. Avec ses faux airs d'album presque réussi, il n'est pas certain qu'il échappe avec le temps au syndrome "Jay Jay Johanson". Il est probable qu'on l'écoute pas mal au début pour de mauvaises raisons et qu'on ne puisse plus le souffrir au bout d'un an ou deux. A moins que cela ne soit exactement l'inverse et qu'on l'écoute peu avant d'y revenir le sourire aux lèvres. On vous aura prévenu, dans un cas comme dans l'autre, Adam Green est la tête à claques la plus douée du circuit indépendant. Et il n'a pas encore 30 ans....
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